Ce ne sont pas les écrivains qui écrivent le mieux.
Ce sont les peintres ou les sculpteurs quand ils tiennent
un carnet pour leur seul besoin : ils écrivent alors
sans même s’apercevoir qu’ils écrivent,
ne cherchant que la justesse avec la rapidité.

Christian Bobin
In Mozart et la pluie

jeudi 1 octobre 2009

Fragments de soi

Texte de présentation de l'exposition de Vence, par Zia Mirabdolbaghi, Directeur d'Art, Culture et Patrimoine


Fragments de soi

Le parcours artistique d’André Marzuk est avant tout caractérisé par une suite d’expériences spécifiques. Peintre et dessinateur, il pratique très tôt la photographie, s’intéresse à la poésie, s’initie à la musique et au langage cinématographique. Cette succession de recherches lui donne progressivement l’occasion d’expérimenter et de maîtriser différents supports, formats et matériaux. Ainsi, ces démarches riches en enseignements, l’ont conduit naturellement vers une création où dialoguent ces différentes disciplines.

C’est dans cette optique qu’est présentée à Vence une série d’œuvres composites : Concerto pour deux cœurs. Des œuvres muent par une thématique intimiste se présentent semblables aux planches d’un album. L’intervention picturale ponctuée par la photographie et la céramique, est rehaussée par une inscription scripturale signifiante. La charge poétique contenue dans l’œuvre, véritable fil conducteur, oriente l’approche esthétique et confère à l’ensemble une tonalité encore plus confidentielle.

Plus loin, dans le chœur de la chapelle sont disposées avec un soin particulier trois œuvres en céramique constituées par une configuration de carrés. Chacune d’elles identifie un espace scénique qui intègre d’autres éléments : écriture, traces de fil d’or, commentaires. L’une d’elle est posée à côté d’une peinture aux contours polylobés. Preuve de filiation entre une entité et l’autre. Le verbe et l’image en osmose proposent de multiples lectures. Par la décomposition volontaire des icônes originellement compactes, l’artiste provoque des micros univers chaotiques. L’œuvre subit une première transfiguration à l’image d’un puzzle dont le compositeur aurait sciemment égaré la solution originelle. A ce bouleversement de composition s’ajoute une deuxième transformation. Celle précisément du passage d’un traitement purement pictural appliqué sur un support en bois avec différentes couches de peintures, des zones rugueuses, des lits de feuilles d’or, à un autre médium en céramique aux surfaces lisses et brillantes.

De quoi s’agit-il ici ? D’actes purement esthétiques ? Ou du témoignage d’une introspection sublimée ? La recherche d’une musique enfouie dans les profondeurs de l’être ou d’un jeu qui comporte une réelle prise de risques, la remise en question permanente des gestes, de la pensée, des intentions ? Il est difficile de ne pas imaginer la danse de la phalène autour de la flamme au péril de sa vie ! Au fond, l’épreuve de l’œuvre ne ressemble t-elle pas à cette danse de la phalène ? Dans ce cas que reste t-il du cheminement d’un artiste prêt à brûler ses ailes ? Des œuvres d’art ? Non… des fragments de soi.

Zia Mirabdolbaghi

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